Le 19 octobre 2017, la Commission des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Grande Loge de France organise une conférence publique intitulée « Femmes entre les murs : un monde régi par les hommes » avec comme intervenantes Marie-Thérèse BESSON, grande maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, qui a présenté le sujet, et Héléna CHRISTIDIS, avocate, qui a développé le thème.
Si les femmes incarcérées ne représentent qu’un peu plus de 3% de la population carcérale (2.265 femmes sur 68.000 personnes incarcérées), il s’agit d’une population qui souffre, outre des mêmes conditions indignes, inhumaines et dégradantes que les hommes détenus, de difficultés supplémentaires du fait de leur nombre, d’une part, de leur genre, d’autre part.
Les prisons ont en réalité été construites pour et par les hommes, laissant de côté les femmes incarcérées.
C’est dans ce contexte que Héléna CHRISTIDIS a présenté les difficultés rencontrées par ces femmes incarcérées ainsi que les éventuelles évolutions qui seraient envisageables pour améliorer leur situation.
Robert Badinter a écrit à ce propos dans la préface de « Dans une prison de Femmes », de Isabelle ROME :
« Elles (les femmes détenues) bénéficient des mêmes droits et sont soumises aux mêmes règles que les hommes. (…) elles rencontrent souvent des difficultés supplémentaires au cours de leur incarcération. (…) elles « souffrent plus que les hommes en prison » ».
Les femmes souffrent notamment :
- d’une surpopulation carcérale importante dans certains quartiers pour femmes.
- d’une dépersonnalisation : moment où la détenue se sépare de tous ses effets personnels : comme une purification avant d’entrer en prison, elle devient un numéro d’écrou, elle n’a plus de prénom et se fait appeler par son nom de famille, elle se sent déposséder de son être, de sa personne…
- d’un éloignement géographique en raison de la répartition non homogène des établissements pénitentiaires accueillant des femmes,
- du principe de non mixité : elles sont parquées dans des quartiers souvent exigus, enclavés dans des établissements pour hommes,réservant ainsi la majorité des ateliers/formations/activités/travail/salle de sport / bibliothèque / chapelle / unité sanitaire… aux hommes et interdisant à ces femmes détenues d’y avoir accès les privant alors de leur droit de bénéficier de remises de peines supplémentaires,
- de ruptures familiales importantes : en moyenne seules 15% des femmes détenues reçoivent encore de la visite après quelques années de détention, avec des conséquences irrémédiables sur leur futur aménagement de peines…
- de soins médicaux non adaptés (des gynécologues présents d’une fois par semaine à une fois par mois…) et de soins d’hygiène déplorables (kits d’hygiène incomplets, insuffisants en nombre, problème des périodes de menstruation où la femme n’a le droit qu’à une douche 3 fois par semaine…),
- d’être mère en prison : accouchements en présence de surveillants pénitentiaires et parfois menottées… (60 accouchements par an, 95 enfants accueillis chaque année en cellule mère/enfant, 15m2 taille minimale pour une cellule mère/enfant); absence de contact visuel avec son bébé après la séparation (à l’âge de 18 mois),
- de stéréotypes relatifs à la sexualité :
- la masturbation chez les hommes est normale, elle est tabou chez les femmes
- chez les hommes, des préservatifs se trouvent à l’infirmerie, des revues pornographiques sont en vente libre, le film X de Canal + est en clair, des DVD érotiques sont accessibles,
- chez les femmes, aucun objet sexuel ne peut être cantiné, les films pornographiques sont cryptés…
Quelle solution apporter?
La situation des femmes détenues a été prise au sérieux par de nombreux professionnels, notamment en 2016 :
- Avis du 25 janvier 2016 de la Contrôleure Générale des lieux de privation de liberté, Madame Adeline HAZAN, sur les conditions de détention et les possibles améliorations,
- Rapport du Conseil National des Barreaux sur des propositions de réforme en matière pénitentiaire rendu en septembre 2017.
Une chose est sûre, construire plus de prisons ne servirait à rien…. bien au contraire.
Quelques pistes de réflexion :
- mettre en place un principe de mixité contrôlé au sein des établissements pénitentiaires mixtes, via une modification législative et règlementaire :
- Ce principe de mixité pour les ateliers/formation/travail permettrait d’atténuer cet enclavement des femmes détenues et leur permettraient d’avoir accès, de façon égalitaire, à tout un panel de formation qui leur était jusque là interdit, et bénéficier ainsi de remises de peine supplémentaires …
- mettre en place des kits d’hygiène plus adaptés que ce soit en garde à vue mais aussi en détention :
- des kits contenant des produits de première nécessité (tels brosse à dent, serviettes hygiéniques en quantité suffisante, tampons, tire-lait, lingettes intimes…)
- repenser les catalogues proposés aux femmes pour les « cantines » en matière de santé, d’hygiène, de beauté et de sexualité, en prévoyant pour les femmes indigentes des kits de première nécessité,
- mettre en place une « permanence gynéco » 2 fois par semaine, avec une obligation de suivi spécifique,
- interdire la présence de surveillants ou policiers lors d’accouchement ou d’examen gynécologique, sous peine de sanction pénale.
Reste un débat plus vaste encore, la prison pour les hommes comme pour les femmes est elle LA solution ?…..